Déjà sept volumes pour cette anthologie rock présentant des titres soit rares soit complètement inédits de la scène francaise, des années soixante aux années 80. Claude Picard réalise un travail génial et professionnel avec cette collection, et on ne le remerciera jamais assez de proposer à nos oreilles de pareilles pépites. Il y a eu entre autre Tim Warren pour les Sixties punk et le revival garage US et européen dans les années 80, la France a son label d’exhumation par le biais de Caméléon dans les années deux mille.
Vu le titre, on pouvait s’attendre (à tort) à du son bien
défonce et des guitares pas toujours justes, si l’on se réfère au
fait que pas mal de ces enregistrements n’ont souvent pas dépassé
le stade de la cassette démo ou de répétition. Cependant, la
surprise est grande à l’écoute de ces quatre faces, enveloppées
dans une pochette simple (non Gatefold) de toute beauté, dessinée par l’incroyable Mezzo (auteur entre autre des superbes
albums de bande dessinée : Le Roi des mouches/Love
in Vain/Kiss the Sky).
Si la face A s’ouvre
avec des titres agréables mais sans trop de surprises par rapport à
l’époque et sur des villes du nord ou du centre (on verra que la
localisation révèle une certaine importance, le sud ayant un attrait marqué pour les sons un peu plus influencés sixties) on remarquera pour les lecteurs "locaux" de ce blog la présence du groupe roannais Stuka (clin d'oeil), dont le titre "Fuck the School" ne démérite pas ici. De fait, les choses commencent à changer
avec le titre A8 : Skins Stink (les skin puent), par les New
Gentlemen, de Caen. Un titre laissant à supposer que le style va
quelque peu changer au fil des faces.
En effet, dés le B1 , les
Berettas de Lyon, avec leur Campagne de France font davantage
tendre l’oreille. Ce titre engagé de 1982 ferait penser en légère
avance à ce que la scène alternative a pu ensuite développer.
Les Chaos de Clermont Ferrand avec leur Centre Jaude
(célèbre centre commercial situé sur la place du centre ville du
même nom) est aussi un titre rock bien dans l’esprit de ce que
l’on a eu l’habitude d’écouter lorsque l’on lisait le
fanzine Nineteen. Flash Gordon de Strasbourg, délivre un « I
Wanna be Free live, qui, s’il n’a rien à voir avec le titre des
Vip’s résonne plutôt bien. Défense d’afficher de Nice,
de 1985, avec « Terminus », là encore, n’aurait pas
dénoté sur une compilation de l’époque et de l’écurie Closer
ou New Rose/ Nineteen. Les Shames de Toulouse envoient du très
lourd avec un son bien plus Rhythm’n’blues "à la française" des
eighties, avec Shameless Girl et Two Worlds in One. Must have !
Le deuxième disque s’ouvre efficacement avec les Mosquitos et un volume/ une production encore plus efficaces. Leurs deux titres évoquent Asphalt Jungle ou les Coronados… Excellent.
Les Marlons de Paris, avec une voix féminine (au moins dans les chœurs), est super efficace et pourra rappeler les regrettées Lolitas. Mokos, de Nice, envoie du bois en un peu plus garage punk, voire fifties style dans la guitare solo, façon Dick Dale. Great. Single Track, de Brive, nous défoncent grave sur leurs deux titres Lassitude et Laissez mourir les vieux. Même s’ils ont pressé un album sur le label GMG (mal produit), c’est dingue que ce genre de morceaux (datés 1981) ne soit pas sorti à l’époque ! Du niveau du meilleur de ce qui est déjà le meilleur en single collectionné en France. Classé X, de Toulouse avec Plastic Doll (1984) le fait bien avec un gros son et des paroles en anglais. Mome Rath est davantage néo punk, façon Wire, voire Suicide. St Just et les sauvages de Troyes sonnent un peu Metal urbain avec leur Planqué sous la pluie de 1983. Cool. Tandis qu’Insecticide d’Amiens, déchirent avec leur « Baba » de 1978. Un titre garage punk excellent, qui pourra rappeler les sixties Somethings avec leur Monde infernal. Les trois derniers titres de Décharge (Beauvais, 1978), Le Chaps (un délire sorti sur un flexi en 1978) et Alain -ex Gazoline- Khan (inédit d’une session studio solo de 1986), ne sont pas les titres qui m’ont le plus interpellés, même si ces rares enregistrements de groupes bien connus des amateurs férus (au moins pour les deux derniers), auraient tout aussi bien pu se trouver sur une compilation de Type Wiiiz.
Si l’on peut « laisser mourir les vieux », gageons qu’avec ce genre de travail d’exhumation passionné et passionnant, ces derniers ont désormais acquis le pouvoir d’une certaine immortalité.
FG
On retrouvera avec grand intérêt l’histoire, plus ou moins longue et documentée, de chacun de ces groupes sur le site web de Caméléon Records.
Thesaurus vol 7 : Punk Rock français 1978-1986
Dblp 30 titres inédits (28€ plus port).
Camelon Records 105, février 2024
A commander sur le site web, ou chez votre meilleur disquaire spécialisé.